Chacun a sa propre définition d’une bonne photographie…
Pour la plupart des gens, il suffit qu’elle soit belle — sans qu’on sache véritablement quels sont les critères — pour d’autres, il suffit que son auteur soit un professionnel reconnu, le nom donne le lustre. Depuis quelques années, le bon se mesure en nombre de like sur Instagram ou quelque autre plateforme à la mode — même les professionnels, à défaut d’être bankable, ont recours à ce fallacieux stratagème de reconnaissance. Pour Capa, c’était être le plus près possible (il en a payé de sa vie) ; pour Cartier-Bresson la bonne photographie résultait d’un subtil équilibre entre l’œil, la tête et le cœur dont lui seul avait le secret.
Le seul jury qui vaille selon moi, c’est le temps qui passe. Certaines photographies sont jugées bonnes sur le moment et deviennent quelconques quelques années plus tard. Elles sont datées. A contrario, d’autres sont anecdotiques au moment de leur prise de vue, mais révèlent tout leur potentiel universel voire prophétique sur ce qui adviendra plus tard. La scène ci-dessus a été saisie il y a plus de dix ans à une époque où les exactions et les violences urbaines relatées quotidiennement par les médias n’étaient pas monnaie courante à ce point. Le TER en direction de Paris était à l’arrêt en rase campagne. J’ignorais à cette époque que les contestations visuelles du monde (et du Monde) bien-pensant se transformeraient en violences inouïes au quotidien bien des années plus tard, avant qu’elles ne prolifèrent sans contrôle telles des cellules cancéreuses auxquelles on n’eût prêté aucune attention, voire quand on ne considérait pas ces graffitis comme de l’art…
4 septembre 2022
Histoire d'une photo, Point de vue