Tant d’images pour si peu de photographies
29 juin 2019
Téhéran – octobre 2017
L’image, fixe ou animée, est omniprésente dans notre quotidien, celle qui montre, celle qui veut prouver, autant que celle qui nous montre, celle qui veut nous prouver un sentiment d’existence hic et nunc.
Les images n’ont que l’épaisseur et la durée de vie d’une phalène : sitôt délivrées, sitôt consommées, sitôt disparues de la conscience individuelle et collective. La conservation du souvenir ne préside même plus au déclenchement. Les images ne servent qu’une fois, et encore n’est-ce pas garanti… Dépourvus de littérarité, réduits à la seule fonction d’exposition, ces agglomérats de pixels à usage unique sont rarement recyclés, condamnés à disparaître dans les tréfonds des disques durs ou la mémoire volatile des ordiphones. En cela, cette culture frénétique de l’image, de la représentation, dit des choses de notre époque…
Ainsi, le seul intérêt de l’image se confond-il avec celui du sujet principal, limité le plus souvent. Quand le regard est parfois accroché par des portraits de jolies femmes, le spectateur ne s’attache qu’à la beauté ou le charme du modèle exposé, n’en déplaise à ceux qui se trouvent derrière l’objectif. En dehors des sujets commerciaux, l’image se résume une mise en scène des ego.
La photographie, considérée comme élément de langage, est affaire de style, comme peut l’être la littérature, une manière de signifier avec parcimonie et justesse, et ce quel que soit le sujet, pour peu qu’elle questionne ou active notre curiosité. La scène la plus insignifiante, dès lors que le hasard en a décidé un certain ordonnancement, peut être porteuse de sens. Quoi de plus banal en effet que cette passante dans la rue ? Est-ce la fresque le long de laquelle elle marche qui présente de l’intérêt ? Est-ce sa nationalité iranienne qu’on présume avec la légende ? Cette jeune femme est l’Anonyme qui désigne toutes les Iraniennes qui espèrent sans doute autre chose, voire toutes les femmes du monde dans leurs rapports avec le patriarcat. A son insu, dans son silence de marcheuse, cette passante écrit quelque chose à cet endroit et à ce moment précis. Elle exprime une résistance universelle sans en avoir conscience. Le personnage caché derrière son appareil, lui aussi anonyme, qui aura vu et déclenché au moment le plus opportun, n’est que la plume trempée dans l’encre sympathique de cette autrice éphémère, dont le texte ne sera révélé que bien plus tard, pour des lecteurs eux aussi anonymes mais animés d’une saine curiosité.
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30 juin 2019 à 10 10 52 06526
Image, pardon photo… très éloquente ! C’est l’une de celles qui m’avait le plus interpellé à l’exposition. Ordiphone… Mais c’est bien sûr ! La résistance culturelle est aussi dans le langage… Bravo !
30 juin 2019 à 15 03 56 06566
L’Image est la représentation graphique de quelconque nature (dessin, sculpture, peinture, photographie). C’est aussi le support sur lequel est représentée cette chose.
Qu’elles lassent le citadin, sans doute. Qu’elles surprennent les voyageurs et passionnent les chercheurs en sciences sociales,à coup sûr. Qu’elles soient devenues un enjeu de tensions entre les citoyens et les politiques, peut-être bien.
La photo est impérativement prise par un appareil et représente la vie réelle de ce que l’on voit.
La photo est donc une image, alors que l’image ne peut pas forcément être une photo.
Après la révolution islamique de 1979, les murs de l’Iran sont habillés de fresques qui reflètent pour la grande majorité d’événements passés.
la photo :
fresque murale glorifiant la révolution iranienne appelée :
« Compte à rebours vers la guerre entre les Etats-Unis et L’Iran »
Illustration peinte en rapport à toutes les exportations de pétrole.
Cette femme, tête à moitié dénudée, qui passe devant cette image, d’un pas présent, espérant vivre dans un monde meilleur……
Merci Laurent pour cette photo qui en dit long…..
Félicitations méritées.
Christine
30 juin 2019 à 16 04 17 06176
La photographie, telle que je la conçois, ne se réduit pas à l’usage d’un appareil. Elle intègre une dimension plus essentielle que les éléments représentés : le temps. C’est sur l’instant saisi que s’écrit éventuellement quelque chose.
30 juin 2019 à 18 06 10 06106
Entièrement d’accord.
J’ai une fâcheuse habitude de vouloir approfondir les choses et non pas de me contenter de l’instant présent.
Christine
2 juillet 2019 à 6 06 47 07477
La bonne photo s’adresse à un maximum de gens. La mauvaise n’intéresse que celui qui l’a prise et les personnes qui sont éventuellement dessus.
Cette photo d’Iran raconte une histoire. J’aurais aimé la prendre !