La photo vraie…

Khomeini

Téhéran – Octobre 2017 

   Cette photographie est la onzième vue de la première pellicule que j’ai utilisée en arrivant à Téhéran. Elle rappelle des choses du passé, elle dit des choses du présent iranien. Elle présente la conjonction d’un fait et de symboles à un instant où tous les éléments qui la constituent sont idéalement ordonnancés. C’est une bonne photo. Pour autant, est-ce une photo vraie ?  

   Si la véracité de la scène est incontestable, qu’en est-il de sa représentativité ? C’est une photographie intellectuellement confortable, emblématique de ce qu’il convient de penser au sujet de ce pays. Si elle dit des choses sur l’Iran, les Iraniennes, elle révèle aussi les préjugés dont est bardé le photographe, d’autant plus forts au début du reportage, quand son âme et sa conscience sont encore empoisonnées par le prêt-à-penser distillé insidieusement au fil des jours, par ceux qui prétendent faire de l’information objective et complète. Ces mots dérangent — on m’en a déjà fait le reproche — car ils contreviennent à l’information officielle, celle qui vient d’en haut, celle qui rassure sur notre bienséance française et plus largement occidentale.

  Il s’agit donc d’une bonne photographie, qui fera partie de l’exposition à venir, qui aura certainement sa place dans le livre à paraître. Cependant, en dépit de ses qualités esthétiques, de sa facture accrocheuse, elle ne représente qu’une partie de l’Iran que j’ai photographié, tel qu’il m’apparaît sur les planches de contacts. Elle ne fera donc pas la couverture du livre, car il ne s’agit ni de faire l’apologie du régime, ni d’établir un réquisitoire à son encontre — autrement dit éviter les redites convenues — mais plus simplement de présenter une réalité, celle des petits faits.

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À propos de LAURENT JEANNIN

Depuis plus de 30 ans, Laurent Jeannin parcourt le monde à la découverte de sa plus grande richesse : ses peuples. Il fait souvent le grand écart entre l'Amérique du sud et l'extrême orient sans pour autant négliger l'Europe et bien sûr la France. La photographie est son mode d'expression favori, qu'il conjugue sous forme de diaporamas en fondu enchaîné et sous forme de photographies noir et blanc dont il assure lui-même le traitement. "L'acte photographique n'a de sens et d'intérêt que parce qu'il me permet de comprendre le monde, ni plus ni moins. Photographier ce qu'on pense rend aveugle, penser à ce qu'on photographie rend borgne. Alors je préfère me laisser surprendre par la vie : le hasard compose, je dispose."

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9 Réponses à “La photo vraie…”

  1. Christian Dit :

    On dirait que rien n’a changé depuis 1979 ! Mais comme vous dites que cette photo ne représente pas tout l’Iran, on a hâte de voir les autres. Les expositions c’est où et quand ? Et le livre ? En tout cas, bravo pour l’honnêteté car c’est facile de faire de créer de l’effet avec ce genre de photo.

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    • LoJ Dit :

      Bonsoir Christian, les dates d’exposition pour l’Iran ne sont pas encore envisagées car je suis en train de faire les tirages et avant cela, il y a une exposition d’Israël en mai à Bourbon Lancy. Le livre sur l’Iran paraîtra à l’automne prochain.

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  2. debarros Dit :

    On a l’impression d’un montage au premier regard
    Pourtant cette photo est réelle, vraie et à la fois irréaliste à te couper le souffle.
    cette photo est prenante.

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  3. Aline Dit :

    Il me fait froid dans le dos l’ayatollah, mais quelle photo ! Vivement les autres photos plus vraies ;-)

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  4. Ludo Dit :

    Photo esthétiquement correcte, mais aussi très vraie contrairement à ce que vous dites, car il ne faut pas oublier que toutes les femmes iraniennes ou étrangères sont soumises au port du voile…

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    • LoJ Dit :

      Les femmes ne sont pas soumises au port du tchador, mais doivent avoir la tête couverte et pas forcément de noir. Cette précision étant dite, je ne m’intéresse pas qu’aux apparences, ce qui justifie cet article : la bonne photographie de reportage (selon moi) ne montre pas le passé, mais ce qui peut ou doit advenir, c’est à dire les ferments du changement et non des souvenirs. Or, cette photographie que vos jugez esthétiquement correcte ne montre que le passé ainsi que Christian l’a remarqué. Elle situe, elle contextualise, rien de plus. Elle est pour moi insuffisante.

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  5. Georges Dit :

    Bonsoir Laurent, ici et là je lis « à couper le souffle », « froid dans le dos »… Rien qu’en cela, cet instant saisi est « suffisant » et fort parce que bien cadré. Au niveau de votre reportage, c’est sûr d’autres choses sont attendues ou plutôt espérées. Je ne doute pas que vous saurez captiver vos lecteurs et les visiteurs de l’exposition complète. On attend donc la suite !

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