Les yeux dans les yeux

st-christophe

Saint Christophe en Brionnais – 2004

  Comme chaque jeudi à l’aube depuis le XVe siècle les éleveurs conduisaient leurs bestiaux (broutards, taureaux, veaux, génisses…) au foirail pour vendre, acheter. C’était une époque où l’on venait avec des rouleaux de billets dans la poche, la paille dans les bottes, où les transactions reposaient sur la confiance, où elles s’établissaient dans le regard, on savait à qui on avait à faire, car on le voyait le jeudi suivant. En revanche, un photographe de passage était suspect, il fallait être discret. Mais tout cela c’était avant…

  Depuis 2009, c’est le mercredi et les ventes se font aux enchères, les yeux sont rivés sur le cadran électronique. Les transactions se font en un éclair quand avant il fallait palabrer longtemps avant de se taper dans la main. Jadis acteurs, les maquignons sont devenus spectateurs. Un petit marché de gré à gré a été maintenu pour les touristes qui doivent désormais s’acquitter d’un ticket d’entrée. Des visites guidées en français, en anglais et en allemand sont organisées toutes les heures. Je n’y suis jamais retourné depuis 2004. On y parle paraît-il d’histoire, de traditions, de gastronomie, de qualité, d’hygiène, de normes, de développement durable, de pédagogie encadrée par des professionnels, enfin on fait comme si…

À propos de LAURENT JEANNIN

Depuis plus de 30 ans, Laurent Jeannin parcourt le monde à la découverte de sa plus grande richesse : ses peuples. Il fait souvent le grand écart entre l'Amérique du sud et l'extrême orient sans pour autant négliger l'Europe et bien sûr la France. La photographie est son mode d'expression favori, qu'il conjugue sous forme de diaporamas en fondu enchaîné et sous forme de photographies noir et blanc dont il assure lui-même le traitement. "L'acte photographique n'a de sens et d'intérêt que parce qu'il me permet de comprendre le monde, ni plus ni moins. Photographier ce qu'on pense rend aveugle, penser à ce qu'on photographie rend borgne. Alors je préfère me laisser surprendre par la vie : le hasard compose, je dispose."

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11 Réponses à “Les yeux dans les yeux”

  1. Georges Dit :

    Et oui, il faut vivre avec son temps…

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  2. Aline Dit :

    Miroir, miroir… Superbe !

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  3. Christian Dit :

    Les photos ne servent qu’à figer des scènes condamnées à disparaître, c’est ainsi…

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    • LoJ Dit :

      Je ne suis pas vraiment d’accord. D’une part, j’ignorais quel serait l’avenir de ce marché cinq ans avant qu’il ne change, donc au moment où je l’ai photographié. D’autre part, l’interprétation ou le ressenti qu’on a devant une photographie comme celle-ci évolue avec le temps qui passe, donc avec notre environnement forcément mouvant. En d’autres termes, je ne photographie pas pour créer de la nostalgie future. Tout dépend de celui qui regarde sans doute.

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  4. Pascale DELALANDRE Dit :

    Très sympa cette photo.
    Bonne journée

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  5. Anthony Dit :

    Bel instantané et belle composition Laurent ! Bravo ! Tu utilises de la pellicule Tri-X en règle générale ? Pour moi, cette photographie illustre la remise en question du monde agricole. Que faisons nous là, pourquoi faisons nous cela ?

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    • LoJ Dit :

      Salut Anthony,
      En condition de basse lumière, je travaille avec de la Tri-X. Ici, je crois même que j’ai dû en l’occurrence pousser le traitement comme pour une 800 ASA.
      Pour ce qui est la remise en cause du monde agricole, c’est plus le commentaire qui éclaire ce sujet. Cette photographie appartient à un temps révolu depuis que la technologie du marché au cadran s’est imposée. Est-ce mieux ou pas, je ne connais pas tous les tenants et aboutissants. Ce dont je suis sûr en revanche, c’est la disparition d’un mode ou plutôt d’un style de vie proche de la nature, celui ou l’Homme n’abandonnait pas son devenir à la techno-science. Au fait, j’espère que tu continues la photo traditionnelle ;-)

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  6. Anthony Dit :

    D’accord Laurent ;) Donc tu utilises plusieurs boitiers chargés avec des pellicules de sensibilité différentes pour faire face à plusieurs conditions d’éclairage ?

    Je ne pensais pas que tu te souvenais de moi comme on a eu l’occasion de se rencontrer qu’une seule fois il y a quelques années pendant une de tes expositions à Bourbon-Lancy. Mais je continus de suivre ton travail avec attention :)

    De mon coté, je continue la photographie traditionnelle oui. Je suis passé à l’argentique depuis quelques mois pour son coté plus « artisanal » qui me plait beaucoup. Et j’apprends petit à petit à développer les films noirs et blancs avant de passer au tirage.

    Pour ce qui est de l’agriculture, je comprends ce que tu veux dire. Mais en parallèle de cette évolution techno-scientifique, il y a aussi un mouvement qui prend de l’ampleur avec l’agroécologie et la permaculture et je trouves ça très réconfortant.

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    • LoJ Dit :

      En l’occurrence avec cette série de photographies, je n’avais travaillé qu’avec une seule sensibilité du fait de l’unité des conditions d’éclairage. Mais quand je pars en reportage plusieurs jours, je travaille avec deux boîtiers effectivement. Il y a aussi la solution de rembobiner un film partiellement exposé pour en changer et de le réutiliser par la suite en revenant à la dernière vue prise, mais ce n’est pas le plus pratique.
      Ma remarque sur l’asservissement de l’individu à la technologie allait au-delà du monde de l’agriculture. Mais oui il y a des initiatives alternatives dans tous les domaines et c’est tant mieux.
      Bravo pour ton obstination dans la photo traditionnelle !

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