« Ça a été »… C’est tout ce que peut exprimer une photographie d’après l’auteur de La Chambre Claire (1980), Roland Barthes. Sans blasphémer, je crois que c’est un peu court…
Ici, le travail est parti, la vie est partie, il y a bien longtemps… Et pourtant, déambulant dans ce labyrinthe, j’avais l’impression d’entendre l’écho lointain des machines, de respirer les remugles du labeur, de sentir quelques présences d’outre-tombe qui m’observaient à mon insu… Pourquoi photographier cet oubli volontaire ? Oui volontaire, car j’imagine qu’un beau matin, on a dû expliquer que cet espace était devenu inutile, trop coûteux à faire fonctionner, sans avenir, sans lendemain pour les mains qui s’agitaient ici… Ici comme dans d’autres endroits de plus en plus nombreux, sorte de nécroses de nos sociétés, c’est un monde de l’oubli. Pas celui du passé, la preuve il résiste, il persiste, les fossoyeurs n’ont même pas pris la peine de l’effacer. Non, c’est plutôt l’oubli de ce que représentait initialement le travail : une occupation, un sentiment d’utilité pour une cause qui dépassait ces mains et non pas le privilège de monnayer une obligation de consommer… o tempo, o mores. Photographier, retrouver d’improbables géométries dans les décombres, c’est ainsi signifier.
1 septembre 2015 à 0 12 10 09109
On n’est pas les bienvenus on dirait…
Plus sérieusement, ces friches industrielles ont toujours quelque chose de fascinant. Plus peut-être qu’une habitation abandonnée, elles témoignent en effet d’une existence, d’une activité presque encore palpable… et plus encore lorsqu’on en connait l’histoire.
1 septembre 2015 à 7 07 11 09119
C’est peut-être le visiteur qui se sent intrus et plus encore s’il prend des photos. Indépendamment de l’histoire dont le souvenir s’étiole avec le temps, on peut avoir un sentiment de gâchis, humain, écologique plus encore qu’économique…
24 octobre 2015 à 13 01 02 100210
J’aime à me promener aussi dans les friches industrielles. Je ne m’y sens pas un intrus : c’est peut-être l’héritage ouvrier de mes parents qui me souffle cette présomption. Et cependant, ce « ça a été » me semble tout à fait approprié : « ça a été » parce que je n’y étais pas et que mes éventuels interlocuteurs n’y étaient pas non plus. Si « ça est » encore, ce n’est que le temps d’une présence fugitive et cette présence ne convoque que des fantômes. « ça a été » témoigne bien en somme – et fait sens – de cet oubli volontaire dont tu fais état.