Faire-part de mariage
Les mouvements de foule ont une énergie grisante et la franco-française manifestation pour tous (sic) contre le mariage pour tous (re-sic) du 13 janvier 2013 n’y fait pas exception. L’énorme défilé, les slogans scandés dans les porte-voix et repris à l’unisson ont un effet galvanisant sur les participants. Bien que l’affaire soit déjà pliée, chacun veut croire qu’il peut peser sur le cours de l’histoire, voire de l’écrire avec plus de conviction que de déposer un bulletin dans l’urne…
Pour ou contre, homos et hétéros ne seraient-ils pas d'accords sur une chose : le mariage, idéal bourgeois, paradigme d'une vie aboutie ?...
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Mais quand on a un appareil photographique à l’œil, il y a ce sentiment étrange de se sentir à la fois proche et distant de l’événement. Mon opinion personnelle dans ces conditions est secondaire, elle passe à l’arrière-plan ou plutôt elle dévient complètement hors champ. Toute mon attention se focalise sur l’enregistrement de situations signifiantes, qui questionnent.
J’aurais pu photographier une manifestation des pour, mais pour moi c’est exactement la même chose. Cela n’aurait rien changé rien au sentiment général que je perçois : dans les deux camps, il y a une évidente quête de sens.
Qu’il s’agisse en définitive de la possibilité pour les homosexuels de mimer une prérogative encore actuelle (avec le mariage) et une spécificité (avec l’enfantement) de l’hétérosexualité, ou pour les hétérosexuels de réaffirmer le fondement historique de la famille qui est selon eux est menacé par la remise en cause de l’exclusivité hétérosexuelle, le paradigme bourgeois de l’union matrimoniale semble dépasser encore de nos jours le simple contrat conjugal : il revêt un caractère sacré, celui manifester le désir de prouver son amour (aspect d’ailleurs très récent dans l’histoire du mariage), de le déclarer publiquement, l’engagement personnel dans une liaison amoureuse pérenne lui donnant un caractère officiel a priori plus difficile à rompre.
Dans un contexte économique et social à la dérive, la famille est peut-être perçue comme le rempart ultime : elle est pour les uns une forteresse à conquérir, pour les autres c’est une forteresse à défendre et pour le « personnel politique », c’est une occasion de surfer sur un nouveau clivage pour faire oublier leur incapacité à influer sur les autres problèmes.
© Laurent Jeannin – texte et photographies – janvier 2013
C’est intelligent (comme d’habitude), c’est réfléchi, nourri de la réflexion que permet la distanciation, l’oeil goguenard et intéressé par les tropismes des foules, par leurs mouvements, leurs cheminements, leur façon de faire masses. Bien désengagé, le citoyen, pour un meilleur engagement de l’artiste Laurent Jeannin.
Drouin a dit ceci 27 janvier, 2013 à 11 11 38 01381